A l'alternance de l'hiver et de la belle saison, semble répondre celle de ma sculpture. D'une part les paysages dépouillés, le bois nu, la beauté austère des troncs et des branches, d'autre part la beauté luxuriante de la frondaison, des feuilles, des fleurs et des fruits... Ici je taille et dégage une forme à partir du bloc de marbre brut et nu rendu par le torrent, avec sa richesse intérieure de veinages. Là, en modelant la terre, la générosité du geste nourrit la forme, avec d'éventuels jeux artificiels de volutes, par défaut de la richesse naturelle du marbre.
Autrement dit, bois d'hiver contre frondaison des beaux jours, taille du marbre contre façonnage du modèle destiné au bronze. Deux données, traitements et aboutissements. Tantôt la complexité abrupte du bloc de marbre pour une taille limitée qui passe au plus juste, tantôt la masse informe de terre pour une profusion d'artifices possibles. Tantôt le bûcheron, tantôt le jardinier. |
De plus, rigueur d'hiver contre douceur, on remarque ici la froideur du marbre, sa dureté, sa taille sans repentir possible, tandis que là, ma terre est ductile, sensuelle et heureuse à mes mains, d'une charnalité qui m'évoque celle des corps. Avec les marbres mes mains dénudent, tandis qu'avec la terre elles revêtent et dévêtent, elles ajoutent et ôtent, elles jouent ainsi du voile de mystère, elles révèlent autant qu'elles cachent.
Résultat, voici les uns qui apprécient la volupté recherchée des formes en bronze, tandis que d'autres préfèrent le naturel des marbres : tellement plus vrais et proches des êtres en leur intimité et leur corps, ils sont, plus que les bronzes, chargés de sensualité. Ils touchent au coeur.
Mais voici l'hiver qui passe : le printemps est là. De l'un à l'autre on n'oubliera pas que chaque frondaison répond au port singulier du tronc et des branches : on tiendra donc le paysage d'hiver dans celui de la belle saison. Et tel le Balzac de Rodin ou sa Danaïde, en chacune de mes créations de terre, j'irai d'abord sa belle allure nue, pour ensuite l'habiller ou la laisser telle, selon.
|