" L'homme et la femme qui s'aiment, touchent au divin " (La Flûte enchantée). Cantique des cantiques : le couple dans ma sculpture, le lien nuptial d'homme et femme - qu'il soit de souffle, de feu, d'eau vive ou de calme repos dans l'échange et la contemplation l'un de l'autre - la sculpture du couple m'est venue en une centaine de créations singulières, bien plus que celles de femmes et par différence avec celles des marbres. Long épurement du temps, c'est mon creuset propre.

Non pas que j'entretienne l'idéal de cette relation pour la magnifier et l'exalter de lyrisme, pour tomber dans la mièvrerie, pas plus que je me laisserai aller à la rendre en dureté et avilissement, en malheur ou damnation, non plus évidemment pour jouer de provocation dans l'érotisme. Il se trouve seulement que je suis d'une grande attention à cette part des êtres et d'une infinie reconnaissance pour ce que j'en ai vécu, bonheurs et gravités mêlés, et donc, inévitablement, une modestie dans son rendu sculpté, mais une aménité traversée d'une force de vie, une humanité travaillée de bonheur, tout en sachant que la sculpture peut amplifier l'expression des corps, lesquels ici traduisent le mystère du dialogue des cœurs, des âmes.

On sait que ce désir dans la relation amoureuse est chose enfouie et peu partagée ; on imagine la part de gène, de frustration et d'ennui, de répugnance et de non désir, la part d'ombre. Mais justement, loin d'une sculpture d'ombre de l'ombre, je cherche à susciter un autre regard que celui de la trivialité sur cette dimension de la vie à la fois la plus sourdement enviée et la plus déconsidérée ou refoulée. Là où se mêle confusément notre héritage culturel de Chrétienté culpabilisant le sexe, et le vécu intime de tout un chacun, son éducation, ses déconvenues, ses traumatismes, ses non-désirs. Je songe au film " Sur la route de Madison ", avec cet homme et cette femme plongés dans la trivialité méprisante de leur monde, mais dont l'amour les change en pépites bouleversantes ?