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Depuis ces matins d'été où je les sortais vives des eaux du torrent, du lit de ses rives, où je les dégageais patiemment de leur sable et leur terre, où s'amorçait l'échange, l'abondance entre mes mains, où je commençais à les deviner et me laisser séduire, les replongeant dans l'eau pour les voir venir.

Ces pierres entassées dans mon atelier, à l'abandon et la poussière : image de la mort, comme la vallée d'ossements de la vision d'Ezéchiel, jusqu'à leur résurrection ? impression du tohu-bohu originel dans l'attente du geste du "créateur", du génie de l'artiste ? ou une histoire de "belles au bois dormant" prêtes à replonger et entrer de nouveau dans la danse ?

Non, la simple histoire de notre condition commune : si de ces pierres brutes, l'une après l'autre, je sais patiemment les "appeler à vivre" en les déliant, fortes et claires comme un langage, combien plus nous saurons correspondre à l'heureuse fluidité de nos mots, nos gestes et nos échanges : l'éclat de la banalité de nos jours !


la mandorle (Grand Palais)
marbre L. 84 cm 1989
détail / vue entière