Unique tu es née du flanc de la montagne, en tes beaux veinages de marbre.
Unique, le torrent t'a roulée dans son lit, en ses abondances, ses entrechocs à te rompre, sa patience à t'éroder, son chant et sa fantaisie à t'user, te caresser jusqu'à ta forme première et sauvage qui me fus donnée.
Unique je t'ai découverte et dégagée de ta gangue. Beauté brute, latente et pleine de promesses, seule parmi d'autres, laquelle allais-je choisir ?
" Comme le lis parmi les ronces,
ainsi ma bien-aimée parmi les filles. "
Unique fut alors ma séduction à te prendre en main jusqu'à te rendre fière allure à nulle autre pareille ; unique l'aisance et l'habileté que j'ai connues avec toi, notre singulière aventure.
" Soixante sont les reines, quatre-vingt concubine
et les jeunes filles sans nombre ;
unique est ma colombe, ma parfaite ".
Unique à jamais tu demeures, parce que tu ne saurais être reproduite, secrétant de ce fait une aura de recueillement et de contemplation, selon les mots du sage : "l'unique apparition du lointain, si proche qu'elle puisse être" (W.Benjamin).
Qu'importe alors que tu sois comparée à d'autres de mes sculptures estimées plus singulières par leur beauté ou magnificence. Je craindrais plutôt l'atteinte à ton unicité lorsque te voilà exposée, exhibée et par là dévaluée, et, pire encore, lorsqu'on risque d'oublier ta beauté sculpturale au travers d'une image, d'une photo sur le net - serait-elle mobile et en 3D… toi qui es sculpture, toi qu'on prend dans le regard et les mains.
Unique entre toutes tu deviendras par le coup de cœur que tu vas susciter : retenue par l'un et gardée en ses rêves, choisie et acquise par l'autre, et dès lors secrète, précieuse et à jamais intime en leur appropriation.
" Mon bien-aimé est descendu en son jardin,
aux parterres embaumés, pour pâturer
dans les jardins, et pour cueillir les lis "
(Le Cantique des cantiques)