l'interrogative 1996 h.26cm
effluve marbre (détail)
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Lorsque les doigts du sculpteur, lorsque l'audace et l'enjouement de son regard ne résistent pas à l'envie de donner forme, forme claire et belle, à ce qui l'habite de séduction et de bonheur, mais qui lui est résolument caché et secret : l'intimité de la femme, toute d'ombre et de nuit - cette entrée, ces lèvres, cette vulve, cette vallée des merveilles que ce sculpteur ne souhaite surtout pas exhiber (comme le tableau " L'origine du monde "), ni annuler (comme la statuaire classique), ni réduire à l'abstrait (comme les graphes), il lui reste à inventer, à diversifier, à jouer des vertus de la sculpture, infiniment variées, pour exprimer de façon allusive et elliptique, pour évoquer ou suggérer, pour montrer sans montrer cette merveille du monde, cette Porte du Paradis, d'autant plus heureuse et séduisante qu'elle se donne hors de son atteinte, qu'elle entraîne à la deviner tout en restant en échappée, qu'elle prend forme claire et belle tout en demeurant cachée.

Question de posture : lorsqu'il y a quelques millions d'années, les humains se sont redressés, le sexe de la femme s'est dérobé à la vue, et progressivement les jeux de parure et de voile ont fait leur séduction - non pas tant pour le couvert de ce que la nudité humaine exhibe, que pour le port de ce que la nudité féminine recèle d'invisible. Voilà l'erreur de Courbet et du " bas les voiles ". A l'enfance de l'humanité, à la genèse de tous les humains, parmi ce qui est venu les habiter de mystère, n'est-ce pas, au plus profond, bouleversant et heureux, cette présence vivement désirante mais cachée de la femme ? Ma gageure.