Sculptures d'hier et d'aujourd'hui

     Pourquoi notre temps s'est défait de la sculpture. Car de nos jours ce ne sont pas les beautés qui manquent, spécialement les beautés de la femme, tandis que leur rendu en pierre et en bronze a presque disparu. La fête est finie depuis longtemps sur les murs de Paris et dans ses fontaines, et la belle statuaire d'autrefois n'est plus qu'objet de musées. J'imagine souvent avec envie l'émulation d'il y a un siècle, lorsque des centaines de sculpteurs et tailleurs de pierre embellissaient Paris !
     Lorsque me hantent les grandes époques de la sculpture, et que je suis là à tourner dans mon atelier, je reste découragé, j'ai l'impression pénible qu'un large fleuve s'est arrêté de couler… Alors je reprends quelque chose du geste traditionnel et j'invente, j'invente les thèmes de mon temps, peut-être comme un sourcier qui fait revenir l'eau là où autrefois elle abondait - car la veine de la sculpture, si découragée soit-elle, ne connaîtra-t-elle pas encore de belles époques ? On éteint pas comme ça un tel bonheur de la main qui nous vient du fond de la préhistoire.
     Ainsi je reviens à mon atelier, où j'œuvre en solitaire, en marge, à petite mesure - œuvre modeste…. Et peut-être est-ce ma modernité que d'aller à ce qui me tient à cœur et me séduit : les heureuses formes de la donnée humaine fondamentale : l'unité/dualité homme/femme ; car ce faisant je rends simplement quelques-unes des sensibilités et attentes les plus profondes de notre temps, les plus discrètes et intimes, ce qui se cherche et s'espère de solidités d'amour : des bonheurs essentiels pour vivre et qui, jusque dans les années 1965, existaient mal, et si peu chez la femme. N'est-ce pas là l'une des marques les plus positives et profondes de l'avènement de la modernité occidentale et, paradoxalement, l'aspect le plus en phase avec la sculpture, et donc le plus prometteur d'un renouveau de la sculpture ?
     Les arts plastiques du XXe siècle se sont adonnés de plus en plus dans l'image (la peinture, la photographie…) au détriment de la sculpture - ce que le sculpteur ressent comme facilité, jeu d'effets, sinon superficialité. Alors même que les hommes et les femmes de ce siècle, en se défaisant des défauts de leur héritage de chrétienté (touchant le corps, la femme, la sexualité…) et en essayant de retrouver de meilleurs repères, se sont rendus plus sensibles, exigeants et attentifs à ce que la sculpture peut témoigner de la corporéité des êtres, de leur intimité sensible, de leur force et leur bonheur.

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   la naissance de Vénus
   le feu
   l'amande douce

   Landowski 03