20 juin 2020 :
"'Là où on ne peut pas aller plus loin' : les mégalithes"
20 juillet 2020 : "parier dans l'inconnue" 20 août 2020 : "une génération après l'autre, les vies humaines et leur éternité" 20 septembre 2020 : "l'altérité des autres pour moi" 20 octobre 2020 : "l'altérité des autres pour moi" 20 novembre 2020 : "ma sculpture ! une sensibilité singulière à la lumière" 20 décembre 2020 : nu
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Bonnard : la toilette 'Elle, par bonheur, est toujours nue' |
nu : ce mot bref et concis de la langue française : deux lettres côte à
côte, têtes bèches. Mot en usage habituel comme adjectif (nu, nue, nus,
nues), et moins souvent comme nom (masculin), tel ‘le nu’, comme
genre artistique que Kenneth Clark a magistralement traité en 1956 – ‘The Nude’ – poche français 1998 (1).
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Chez moi, la nudité a pris d’abord sens dans ma démarche même de sculpter
mes marbres, puisque ‘sculpter’, comme ‘scalpel’,
signifie ‘ôter’ de la matière jusqu’à arriver à la ‘peau nue’ de
ces marbres - devenus ainsi agréables à caresser. Plus encore, je m’en suis
expliqué, avec mes marbres naturels et sauvages, il s’agit chaque fois,
d’une beauté latente qu’il me revient deviner et de ‘rendre à elle-même’,
de restituer.
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Deux démarches de sculpture – et voilà que ce bonheur de ‘mettre à nu’
s’est avivé dans ma prédilection de rendre la beauté de la femme et du couple.
Ce que résume cette interrogation d’une visiteuse de mon atelier sur mon livre d’or :
‘Qui du sculpteur ou de l’amoureux l’emporte ?’. Tel encore le titre du livre :
‘Elle, par bonheur et toujours nue’ - ce petit
livre sur Bonnard par Guy Goffette (1998) – lequel écrit : « entre la beauté que vous,
Pierre Bonnard, m'avez jetée dans les bras, sans le savoir, et celle que vous avez aimée
au long de quarante-neuf années, il y a un monde, ou ce n'est pas de la peinture. Il y a un
monde et c'est l'aventure du regard, avec ses ombres, ses lumières, ses accidents et ses bonheurs ».
Cette touche propre de Bonnard dans ses dessins et peintures de nus de son
épouse (je dirais cette indépendance, cette différenciation typiquement
Impressionniste), m’est très sensible lorsque je suis aux prises avec mes
terres et mes bronzes de femmes en leur nudité – si ce n’est que là où
Bonnard imprime en nous une certaine gravité, sinon tristesse (puisqu’il
rejoignait Marthe dans sa fatigue – sauf sa mise en fête avec ses
chatoiements de couleurs, et sauf ses heureux cadrages du quotidien), pour
ma part j’ose délibérément exprimer dans mes sculptures le calme ou le
plein bonheur de femmes aimés et aimantes – ‘Luxe, calme et volupté’. Et que m’importe alors la quête d’une
belle œuvre d’art, puisque seule compte l’expression d’une présence aimée
et aimante – serait-ce seulement en souvenir ou en imaginaire. Et
clairement, c’est bien là, dans cette positivité, que Bonnard m’est tout
proche. Tels ces mots d’Alice Zeniter :
« Il pensa avec surprise que la nudité est toujours belle peut-être.
C’était comme si les corps retrouvaient leur plein sens, débarrassés
des obligations sociales des vêtements ».
Ou encore, la lucidité de Pasolini
: « Le corps nu est le plus vrai, son étreinte est le seul pont qui
puisse être jeté sur l’abîme de solitude qui nous sépare les uns des
autres ».
(Quand on sait que la présence est d’une importance très sensible dans la Bible, nos présences d’humanité par lesquelles s’éprouve l’insaisissable Présence de Dieu – mais que néanmoins il s’avère que cette réalité si importante n’a pas de mot pour se dire (comme Dieu) car la langue hébreu n’est que concrète ; et par conséquent, cette présence s’exprime concrètement et s’incarne en se disant ‘ face’, ‘face tournée vers’ - d’où on peut comprendre l’importance pour moi de cette présence concrète qui est tant attendue de ma sculpture – cette éloquence de présence à laquelle aspirent mes mains et que peuvent soupçonner ceux qui l’abordent – et cela, dès lors que, plus entière et vraie que le seul visage (la figure, la face que j’abstrais au plus sommaire), c’est la nudité entière du corps qui importe et se livre – le nu : l’incarnation, l’éloquence de la chair).
(1) Le nu est un
genre artistique
qui consiste en la représentation du corps humain dans un état de
nudité
. En bref, on constate que les nus féminins sont fréquents dans la
Préhistoire et le Moyen-Orient ancien, puis les corps masculins en Grèce,
puis les nus féminins dans l'art européen depuis le XVIIe
siècle.
< (2) ... « C’est Marthe qui éveille l’amour et le désir chez l’artiste. Elle devient toute sa palette et se révèle la seule inspiratrice du nu dans son œuvre. Qu’est-ce qui différencie le nu chez Pierre Bonnard du nu chez ses contemporains… Chez Picasso, il n’y a pas de ‘suggéré’, mais une appropriation du sujet. Chez Pierre Bonnard, l’amour triomphe par le ‘non-dit’…. (Chez lui) la pudeur et l’érotisme représentent les deux facettes d’un même sentiment. On dirait qu’il est un peu freiné dans son approche du nu. En fait, ce n’est pas un frein, c’est une façon de voir, une façon d’approcher, une sorte d’adolescence pudique… Trop montrer pour lui revient à détruire le désir qui oscille vers le cannibalisme. Comme sans doute chez Picasso. » (Gilles Benty. Bonnard. Inédits. 2003) |