20 septembre 2020 : "l'altérité des autres pour moi"
20 octobre 2020 : "l'émerveillement"
20 novembre 2020 : "ma sculpture ! une sensibilité singulière à la lumière"
20 décembre 2020 : "nu"
20 janvier 2021 : le présentiel et distanciel de notre époque
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    Année 2020 : les usages et obligations de la crise du Covid nous auront fait prendre conscience de l’importance de la présence pour l’avoir malmenée : l’usage et l’obligation de se masquer les visages (lesquels sont l’expression concrète de la présence) ; l’obligation de nous distancer (l’interdiction de nous toucher, nous serrer la main, nous embrasser) ; et l’usage banalisé ou obligé de remplacer nos relations directes (‘en présence’) par des relations virtuelles (distantielles, par skipe ou visio-conférence).
    Tout cela est lourd de conséquences et mérite réflexions.

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    Année 2020 : le site de l’Académie française vient de rappeler à ce propos :
    « Le Centre national d’enseignement à distance (le CNED) a été créé en 1939 – il y a donc 80 ans. Cette assez longue histoire a permis de faire entrer la locution enseignement à distance dans l’usage. Aussi n’est-il sans doute pas nécessaire de remplacer cette forme par l’expression « en distanciel », trop largement répandue en ces temps de fermeture partielle de nombre d’établissements scolaires. Parallèlement à « à distance », on emploiera « en présence » plutôt que l’anglicisme présentiel, calque maladroit et peu satisfaisant de l’anglais presential ».
    Remarque d’un internaute : Il sera de bon ton, et surtout plus juste de dire : « Je suis en travail à distance », ou bien « je travaille en présence » plutôt qu’ en presentiel.

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    ‘Le Monde’ du 26 décembre 2020, rapporte un long interview très intéressant de la jeune philosophe Claire Marin sur les effets de la crise du Covid : comment cette crise sanitaire accentue les ruptures sociales. Je rapporte sa réponse à la question : « On a beaucoup parlé du manque de contact au travers de l’évitement du toucher qui vous apparait comme la véritable question éthique à étudier. Pour quelles raisons ? (Question sensible à un sculpteur).

    « Toutes les formes de toucher ne sont pas à mettre sur le même plan. Certains contacts peuvent disparaitre – les femmes en particulier ne s’en plaindront pas. On sait intuitivement quels sont les contacts qui empiètent sur notre espace personnel de manière illégitime et envahissante, profitant de certaines habitudes sociales, et quels sont ceux au contraire qui nous rassurent, nous encouragent ou nous réconfortent. Certaines mises à distance ne sont pas si désagréables. On a apprécié, pendant un temps bref, de ne plus être compressé dans une rame de métro ou dans un bus.
    « Mais je ne crois pas qu’on aille vers une société sans contact, une société de l’évitement physique. Le toucher nous manque et nous avons du mal à refréner l’élan spontané vers ceux qui l’on aime. La question de la présence me parait en effet essentielle. Parce qu’elle se colore des affects des autres, elle transmet les humeurs, on y palpe l’atmosphère d’une situation. Elle véhicule les tensions, les amitiés, les affinités, les attentes ou le désintérêt. Elle motive. On n’a pas le même enthousiasme ni la même efficacité lorsqu’on tente d’intéresser des visages sur un écran ou des personnes présentes dans le même espace réel et dont on perçoit spontanément les réactions, les mimiques, les légers mouvements de retrait ou d’intérêt. En virtuel, nous sommes des hommes-troncs, réduits dans notre expressions corporelles, privés d’une partie de ces signifiants implicites. Les corps ainsi corsetés par le cadre de la vidéo perdent énormément en expressivité. On devient littéralement des ‘présentateurs’ que la posture figée restreint et limite. Sans faire un cours d’étymologie, praesens en latin renvoie à l’idée d’ « être en avant ». La présence est par nature dynamique, elle est mouvement vers l’autre, attention, élan. Le virtuel autorise plus facilement la présence passive, la ‘consommation’ d’informations, le peu d’implication. La distance du virtuel n’est pas seulement géographique, elle est aussi psychologique, elle peut se redoubler d’une posture de retrait ou d’évitement (on participe peu, on éteint son micro ou sa caméra), notamment parce que l’exposition virtuelle peut mettre mal à l’aise : mon visage s’affiche aussi, alors que l’un des plaisirs des interactions est sans doute de pouvoir l’oublier. »
    Ainsi s’explique que je n’ai jamais usé du skipe – même si je sais que mille caméras me captent et me suivent dans mon visage).

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    « … praesens en latin renvoie à l’idée d’« être en avant ». La présence est par nature dynamique, elle est mouvement vers l’autre, attention, élan… »
    Sculpteur, ce que j’apprécie le plus dans la longue aventure humaine de la Bible, c’est, du fait d’une limite de sa langue hébraïque, son incapacité à parler abstrait, donc son incapacité à dire ‘présence’, et son exigence à ne la dire que concrètement, c’est-à-dire dans une attitude corporelle – autrement dit, son obligation d’un langage incarné pour exprimer cette présence (et à fortiori ‘Dieu’ – abstraction pure – et donc son extrême discrétion). Et puisque tout au long de la Bible, le Dieu d’Abraham et d’Israël, le Dieu de Jésus-Christ (tel le Mémorial de Pascal) est d’un accompagnement continuel des siens, sa présence s’incarne incessament, elle prend nécessairement forme d’humanité, de présence concrète, de visage, d’incarnation, et c’est bien ainsi et seulement ainsi qu’elle oblige les siens à la vivre et à l’éprouver concrètement, sinon elle serait nulle et non avenue, pure abstraction – d’où son premier commandement : ‘aimez-vous’ (tel que je vous aime) – telle la prière étonnante de Tagore : « si je n’existais pas où serait ton amour ? Tu m’as pris comme associé de ton opulence… par ma vie prend forme incessamment ton vouloir… Et c’est pourquoi ton amour se résout lui-même dans cet amour de ton amant ; et l’on te voit ici où l’union de deux est parfaite » (Offrande lyrique 56).

    C’est ainsi que tout au long de la Bible, l’expression privilégiée pour dire ‘présence’ (mot inconnu) c’est la face, ou le visage penché vers - soit tout le contraire du visage masqué – sa pire mascarade. Mais c’est aussi depuis ce même fond culturel (avec Mahomet) qu’on s’explique le voile des femmes musulmanes : ne pas livrer leur présence. J’en ai parlé dans les 20 des mois précédents, en particulier cette expérience première que ne connaissent que les nouveaux nés humains : leur tétée au sein de leur mère avec le bonheur de son visage, ses regards et son parler : l’expérience première de la présence – leur Ciel.

    Année 2021 : vivement qu’on retrouve ce Ciel des visages – cette présence aimante de Dieu - qu’on se libère enfin des confinements sous masque et qu’on s’étreigne d’affection.
Question de vie ou de mort.