20 novembre 2018 :
l'uncité des êtres, leur unicité relationnelle
20 décembre 2018 : correspondre à la réalité ... ou n'en faire qu'à sa tête 20 janvier 2019 : éloge de l'attention 20 février 2019 : attentif aux vécus, aux expériences d'humanité 20 mars 2019 : trinité 20 avril 2019 : artiste : se libérer/se retenir |
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la Phocéenne
création 1990
bronze h.45 cm
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Au secret de ma sculpture, l’attention et la main d’un homme en quête d’exprimer du vécu : l’attention et la main taillant et modelant des formes qui parlent, émeuvent et séduisent parce qu’elles incarnent de l’humain, des vécus, des expériences d’humanité, avec, pour ma part, la préférence à de belles allures de femmes, puisque celles-ci viennent naturellement dans le désir et la séduction d’un homme – et tout naturellement des femmes dans leur bonheur d’être admirées, aimées et aimantes. Pourquoi cela ? Parce que je suis venu à la sculpture sur le tard, à la quarantaine, mûri et chargé de vécus, avec deux marques fortes issues de ma formation : d’une part, l’éloquence concrète de la Bible, une langue jamais abstraite ; d’autre part, dans la pensée philosophique de ma jeunesse, trop cérébrale et abstraite à mon goût, ma préférence allant à la démarche phénoménologique, à l’étude des phénomènes et de l’expérience vécue. Ces deux formes de pensée et de langage me conviennent parce que pour mieux être à ma vie, j’aime être réaliste, pragmatique, les pieds sur terre : il m’importe de ‘bien regarder les choses’, d’écouter, de sentir, et par là de réfléchir comment sont et comment vivent les hommes, les femmes, les enfants de mon monde, leurs comportements, leurs gestes, leurs vécus au plus vif et sensible, corporel, au plus humain - un réalisme qui me semble la démarche la plus sûre pour une juste réflexion, et pour moi, atteindre ainsi une sculpture qui parle. L’éloquence concrète de la Bible a de quoi étonner, puisque c’est d’elle que sont venues les formes les plus élevées, les plus spirituelles, de notre culture occidentale. Dans la langue hébraïque, tout, absolument tout est concret : tout est de l’incarné, du vécu et de l’expérience concrète, donc corporelle, sensible, émouvante. ‘Féminité’ n’existe pas, on dit ‘femme’ ; de même ‘présence’ n’existe pas, on dit la face tournée vers soi, le visage, le regard… ; pour dire l’esprit, c’est l’expérience concrète du souffle et du vent, ‘ruah’ ; pour dire Dieu qui parle, c’est l’incarnation d’un homme, à commencer par ses ‘envoyés’, ses ‘prophètes’ animés de son souffle ; pour dire son amour, c’est son ‘matriciel’, son ‘utérus’ ; pour dire la pitié, c’est le déchirement du cœur, et pour dire ‘la joie’, c’est le ‘chérissement’ !!
(Dans tout ce langage on remarque bien : 1°. qu’il n’y a plus de majuscules
de Solennité, de Sacré, de Transcendance, puisque tout est de notre commune
condition humaine ; 2°. et le sculpteur de comprendre qu’il lui importe de
créer des formes justes pour en assurer ainsi la profondeur (dite
‘spirituelle’) – c’est-à-dire de déployer toute l’éloquence de la figure
pour en délivrer et communiquer la charge de présence).
(NB. Avec le Hors-série de ‘Philosophie-magazine’ qui vient de sortir (février 2019), consacré à Emmanuel Lévinas, je redécouvre avec bonheur cette démarche phénoménologique enracinée dans la Bible, qui compte tant pour moi depuis 50 ans : non pas une philosophie abstraite (centrée sur l’’être’, sur ‘moi’ : ‘Je pense donc je suis’), mais entièrement décentrée sur l’autre, sur son visage – d’où il ressort, de ce fait, toute l’énigme et le mystère de la féminité). *
Pourquoi alors l’importance de la femme dans ma sculpture ? La féminité.
Car telle est la donnée de notre condition humaine : nous sommes créés
homme et femme, ‘sexués’, c’est-à-dire ‘coupés, divisés’,
différents, hétéro…. pour se correspondre et s’unir… pour déployer les
possibilités et vertus de cette proximité-altérité, tous les plaisirs,
toutes les découvertes et partages des inconnues de l’autre.
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Autre façon de m’interroger : pourquoi, dans notre condition humaine, la
femme prend-elle l’avantage sur l’homme dans son allure, son vêtir, son
éclat… sur le devant de la scène ? (S’agissant là d’un trait de différence
amplifié par ma sculpture où prédomine nettement la femme, la féminité).
« Question de posture : lorsqu'il y a quelques millions d'années, les humains se sont redressés, le sexe de la femme s'est dérobé à la vue, et progressivement les jeux de parure et de voile ont fait leur séduction - non pas tant pour le couvert de ce que la nudité humaine exhibe, que pour le port de ce que la nudité féminine recèle d'invisible ….. A l'enfance de l'humanité, à la genèse de tous les humains, parmi ce qui est venu les habiter de mystère, n'est-ce pas, au plus profond, bouleversant et heureux, cette présence vivement désirante mais cachée de la femme ? ». P.S. ‘Présence vivement désirante’ de la femme ! N’est-ce pas là l’expression qui caractérise le mieux ma sculpture et ce qui fait son audace de modernité ? Et cela pour toute ma sculpture : autant la volupté de mes marbres abstraits que les formes figuratives féminines allantes et engageantes des terres et des bronzes – là même où je constate qu’il m’est difficile de trouver l’audace des mots, qui soient à même de dire mieux que l’éloquence de mon langage sculpté : femme ‘désirée’ et ‘désirante’. |