De même que l'inventeur de sources avance doucement, délicatement, pour sentir d'intuition l'endroit du sol où doit se trouver la présence affleurante de l'eau.... et qu'ensuite sa main est assez habile et patiente à creuser et affouiller la terre jusqu'à donner pleine résurgence à la fontaine. De même que, par un matin d'hiver, la main est heureuse de savoir amorcer et faire prendre peu à peu le feu, usant de patience avec l'humidité et les brindilles et les branches revêches, jusqu'au plus bel éclat des flammes. De même que l'amant sait prendre le temps et peu à peu disposer l'aimée à être toute de confiance et de désir, et longuement, longuement s'entraîner l'un l'autre au plus fort du plaisir - un bonheur dont l'éclat les étonne à l'accomplissement de si longs méandres de leurs désirs et leurs eaux mêlées. Et même s'il arrive, vrai miracle, que la résurgence et le feu et l'amour soient donnés avec une aisance et une célérité déconcertante... Je dirais de même qu'une belle sculpture venue de mes mains me semble cet aboutissement étonnant, où il ne reste plus de l'aimée que son regard chaviré de bonheur après l'amour : tout ce qui a été avant, tout ce qui a été patience, tenacité, résistance, retenues et dénies, sentiments d'échec et reprises - toute la peine et l'effort sont oubliés et tus, alors même que le sentiment d'heureuse résolution est précisément l'aboutissement de tout ce qui y a conduit.