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Femme et féminité

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Vénus et l'Amour
(Vassé) marbre
1755 191cm Versailles
La Tempérance
(della Valle) terre cuite
v.1753 63cm Bayonne
Baigneuse
(Falconnet) marbre
1756 82cm Louvre
La Marne (Bouchardon)
fin XVIIIe terre Louvre

     Il est un autre facteur qui a joué au détriment de la sculpture, à sa dissociation de la peinture dans la course aux innovations. Je dirais ici un effet retard qui ne semble pas devoir gêner la progression et le renouveau de la sculpture. Cet art est " conservateur ", car dispendieux, où le marbre et le bronze coûtent cher et ne peuvent être gâchés par des recherches nouvelles - sauf à s'adonner à des matériaux " moins nobles ", où, sauf exceptions, la qualité même de la démarche s'en ressent. (Ces conditions peuvent expliquer la mode du ready-made, trop facilement ressassée depuis Duchamp, depuis cent ans).

     Autre incidence, dans le découragement momentané qui nous occupe ici, il faut compter avec le modèle de Rodin, avec l'effet de son Grand Œuvre. On peut dire que Rodin a été à la sculpture du XXe siècle ce qu'à été Picasso à la peinture, mais l'un précédant nettement l'autre, l'un pour défaire la sculpture (pour exaspérer et épuiser la séduction des corps), l'autre pour entraîner la peinture (pour booster l'illusion de l'image). Mais l'un, Picasso, est toujours le Maître sorcier de l'image, tandis que l'autre, Rodin, est si loin maintenant dans son XIXe siècle... "Et la mer efface sur le sable les pas des amants désunis".
     Précisons ce point. Dans la génération qui a suivi le géant de la sculpture, aucun sculpteur n'a osé reprendre et poursuivre sa veine fabuleuse d'une sensualité aussi fortement rendue ; même les proches et admirateurs comme Maillol, Despiau ou Bourdelle se sont détournés du défi, et se sont rabattus dans l'emphase, du raide, du mièvre... Certes d'autres formes de sculpture sont apparues, mais quelle chute, si ce n'est quelques exceptions venues plus tard : Brancusi, Giacometti, Moore... Les nouveaux sculpteurs, les aventuriers, bricoleurs et amuseurs de la modernité... s'adonnèrent délibérément à autre chose que le "classique" représenté par Rodin : la "Nature", la femme, la beauté.
     S'ajoute à cela le thème maudit et l'allure d'Enfer des figures de Rodin, au seuil d'un siècle où l'art fut beaucoup plus enclin à traduire le malheur et le drame, que le bonheur et la grâce (a fortiori, je dirais, dans le visage de la femme). Mais là encore, le temps est passé...


     Il faudrait réfléchir enfin sur un aspect qui aurait été négligé dans la sculpture, qui fait sa grande différence avec la peinture et l'image, et qui, par là, semble lui ouvrir de sérieuses chances de renouveau, plus encore que dans les arts de l'image.
     Longtemps la sculpture est restée une discipline simple, stable, monolithique, comme un enfant sage, et voilà que les temps modernes, comme une crise d'adolescence, ont révélé d'elle des dimensions insoupçonnées, et qu'à la faveur de cette crise, la sculpture se caractérise par un paradoxe : d'une part, en ces temps modernes, elle a pu se diversifier à l'infini, selon des milliers de modes, de formes, d'agencements de matériaux... mais, d'autre part, quelque chose ne cessait de la rappeler à sa distinction, à sa tenue, à sa vertu première, qui est d'exprimer la figure, la figure humaine, ou la figure du dieu par quelque figuration humaine ou animale, soit de façon réaliste, soit de façon symbolique.


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